Figure : Martinez Zogo : victime de la fatwa obscure

L’animateur de Radio avait fait de la dénonciation des dérives des hautes personnalités son crédo, et ne mettait pas des gangs quand il fallait mettre à nu certaines pratiques prévaricatrices. Il a été abattu en plein vol, dans des conditions atroce, alors qu’il avait ouvert le dossier des détournements des lignes 65 et 94 du budget de l’Etat.

Le 14 février 1989, le guide suprême de la révolution islamique iranienne, l’ayatollah Khomeiny, lance sa « fatwa » (décret religieux) appelant tous les musulmans à tuer Salman Rushdie, un écrivain américano-britannique d’origine indienne, auteur des « Versets sataniques » roman publié en 1988, jugé blasphématoire et irrévérencieux. Dans l’islam, une fatwa est émise à la demande d’un individu ou d’un juge pour régler un problème sur lequel la jurisprudence islamique n’est pas claire. Le vendredi 12 août 2022, alors qu’il s’apprête à prendre la parole lors d’une conférence dans la ville de Chautauqua dans l’État de New York), aux États-Unis, Salman Rushdie est agressé et poignardé d’au moins 15 coups de couteau au cou et à l’abdomen. Il est transporté en hélicoptère vers un hôpital où il a pu être sauvé. Si la fatwa contre Salman Rushdie n’a pas encore abouti à son élimination 34 ans après, celle contre Martinez Zogo a été expéditive. Le journaliste camerounais qui dénonçait dans ses dernières émissions les détournements astronomiques des deniers publics, a été jugé et condamné sans appel à la mort atroce le 17 janvier 2023.

Naissance et carrière

Martinez Zogo est né le 29 septembre 1972 et nommé Arsène Salomon Mbani Zogo. Il est fils d’Antoinette Essala et de Zogo Moungou Victor, gendarme originaire du village Etam Kouma (vers Sa’a) dans le canton de Benyabega, département de la Lékié, région du Centre. Il grandit à Yaoundé au quartier Essos et se passionne très jeune pour le football, mais une blessure l’empêche de faire carrière dans ce sport. Il se lance ensuite dans la danse, crée un groupe et adopte le pseudonyme Martinez. Il s’essaie par la suite à l’animation de spectacles et d’évènements comme maître de cérémonie avant de se retrouver à la radio comme animateur autodidacte. Dans ce milieu, il s’est frayé un chemin seul, presqu’en dehors des canons classiques. Il commence sa carrière à Yaoundé au sein de la Radio Siantou (RTS). Suspendu d’antenne, il quitte la RTS et est recruté par la Radio Magic FM en 2006, où il lance l’émission « Embouteillage », un programme consacré principalement aux dénonciations des personnalités publiques. Il quitte Magic FM après 5 années de collaboration et rejoint la radio Amplitude FM, en emportant avec lui son programme Embouteillage. En décembre 2017, il est recruté par la chaîne Royal FM qui lui confie le poste de directeur général adjoint n°2 chargé de l’animation. Mais cette radio semble ne pas lui correspondre, il retourne à Amplitude FM où il anime sa populaire émission quotidienne Embouteillage et occupe, jusqu’à sa disparition le 17 janvier 2023, la fonction de chef de chaîne.

Dans l’exercice du métier, Martinez Zogo avait choisi son style franc et direct, et ne s’embarrassait pas des formules de politesse, appelant le chat pas son nom. Mais surtout, Martinez Zogo faisait partie de cette race d’humains qui montrent la lune, mais on regarde les défauts de leurs doigts.

Ennuis

Des ennuis, Martinez en a connu dans ce parcours. Le 25 février 2015, lui et son émission « Embouteillage » sont suspendus d’antenne pour un mois par le Conseil national de la Communication pour « faute constitutive d’atteinte à l’éthique et à la déontologie professionnelle en matière de communication sociale », à la suite d’une plainte du ministre Paul Atanga Nji pour des « des propos se rapportant à une affaire de détournement de derniers publics à la Campost et portant atteinte à sa dignité ». Le 22 septembre 2017, il est à nouveau sanctionné pour 3 mois par le CNC, suite à une plainte de Samuel Eto’o Fils pour « déclarations non fondées se rapportant à des questions de mœurs et portant atteinte à son image » à l’occasion de son séjour au Gabon dans le cadre la CAN 2019. Le 1er juillet 2019, il fait partie des 21 journalistes et médias sanctionnés par le Conseil national de la communication. Martinez Zogo reçoit une mise en demeure pour « accusations non fondées et usage injustifié de termes offensants envers Gervais Bolenga », l’ancien directeur général de Camwater. En justice, il est poursuivi en octobre 2008, pour avoir diffusé sur les antennes de la radio Magic Fm l’information se rapportant à des journalistes sportifs qui auraient perçu de l’argent auprès de la Fecafoot dans le but de ternir l’image du ministre des Sports et de l’éducation physique. Un an après, il est poursuivi par l’artiste musicien JP Mélodie pour diffamation par voie de presse. Le 17 janvier 2020, il est arrêté dans les locaux de la radio Amplitude FM par des officiers de la police judiciaire et inculpé pour diffamation criminelle suite à une plainte déposée par Sylvie Biye Essono, épouse du ministre directeur de Cabinet civil de la Présidence, Samuel Mvondo Ayolo. Accusé de « cybercriminalité, atteinte à la vie privée et chantage », il est écroué à la prison centrale de Kondengui 5 jours plus tard. Le 26 mars 2020, après deux mois de détention provisoire, il est condamné à 2 mois de prison par le Tribunal de première instance (TPI) de Yaoundé centre administratif, puis remis en liberté.

Téméraire

Dans l’exercice du métier, Martinez Zogo avait choisi son style franc et direct, et ne s’embarrassait pas des formules de politesse, appelant le chat pas son nom. Mais surtout, Martinez Zogo faisait partie de cette race d’humains qui montrent la lune, mais on regarde les défauts de leurs doigts. Ce qui a été le cas par le passé de nombreux martyrs parmi lesquels Castor Osendé Afana, l’un des dirigeants nationalistes  de l’Union des populations Cameroun, dont l’assassinat avait aussi été décidé alors qu’il réclamait comme ses camarades la libération des Camerounais par des lobbies coloniaux. Son corps avait été retrouvé dans une forêt de la Boumba et Ngoko et enterré à l’aide d’un couteau par son aide. Là au moins ses bourreaux étaient des militaires identifiables, qui agissaient à visage découvert et assumaient plus ou moins. La fatwa pour la mise à mort a été décrétée contre Martinez Zogo, alors qu’il revendiquait la clarté dans la gestion de l’argent du peuple. Son corps aussi a été retrouvé en état de putréfaction, liquidé par une main obscure qui manque même le courage d’assumer. A 51 ans il s’en est ainsi allé, le monde entier est unanime qu’il ne méritait pas pareil sort. L’opinion réclame que justice soit faite et que son sang ne soit pas versé pour rien, son épouse réclame que la nation le reconnaisse comme martyr de la république. Sera-t-elle seulement entendue !

Roland TSAPI

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