Diaspora : un capital sous exploité

Comme les ressources naturelles du sous-sol encore sous exploitées au Cameroun, la diaspora camerounaise constitue une ressource humaine et financière importante dont le gouvernement feint d’ignorer la valeur, ou l’ignore volontairement.
Le développement de l’Afrique en général, et du Cameroun en particulier, repose aussi sur l’apport de la diaspora. Le gouvernement camerounais, mieux que quiconque le sait, d’une part parce les membres de ce gouvernements sont constamment à l’étranger et en contact avec la diaspora qui les rencontre pour faire connaître les problèmes qui sont les leurs. Le président Paul Biya, longtemps avant de s’attirer le courroux de certains membres de la diaspora, mettait un point d’honneur chaque fois qu’il était à l’étranger, à recevoir une délégation des camerounais de la diaspora. D’autre part, les informations faisant état des prouesses des Camerounais à l’étranger sont plus éloquentes que celles qui ne les dénigrent, et les fils du terroir percent de plus en plus dans des domaines pointus de la science et de la technologie. Ceux-là voudraient pourtant être utiles à leurs pays, de même que ceux qui exercent dans bien d’autres domaines. De manière générale et chiffrée, la diaspora camerounaise selon les récentes statistiques du ministère des Relations extérieures, compte environ 5 millions 200 000 membres dans les pays étrangers. En y ajoutant ceux qui sont en situation irrégulière et les victimes de la perte de nationalité du fait qu’ils ont pris une autre, on pourrait atteindre les 8 millions d’âmes, à peu près 2 fois les populations du Gabon et de la Guinée équatoriale réunis. Le poids économique de cette diaspora n’est pas moindre non plus. Selon le rapport 2022 de la Banque mondiale, intitulé « Remittances Brave Global Headwinds », la diaspora camerounaise a expédié vers le pays un montant global de 365 millions de dollars en 2022, équivalent de 230 milliards de fcfa, en hausse d’environ 5% comparé aux 350 millions de dollars de 2021. Ce rapport relève, ce qui est évident, que l’argent envoyé par la diaspora aide essentiellement les familles à survivre. De manière plus détaillée, le ministère des Relations extérieures exquise une répartition qui donne 65,8% pour la consommation courante, 12,71% pour l’investissement dans le mobilier, 6,87% pour l’épargne, et seulement 14,5% pour les activités génératrices de revenus.
Renverser la tendance
Mais la diaspora camerounaise, de plus en plus raisonnée, voudrait renverser l’ordre des priorités dans l’utilisation de ces fonds. Elle s’est frottée à des cultures fortement influencées par l’adage chinois selon lequel mieux vaut apprendre à pêcher que de donner du poisson, et que de continuer à donner la ration à la famille, ce qui infantilise à la limite, elle voudrait investir pour elle pour lui garantir une certaine autonomie. Elle voudrait rentrer au pays, créer des entreprises, monter des affaires, prendre des actions dans une activité porteuse, industrialiser le pays et en faire un véritable pôle de développement en Afrique. La diaspora camerounaise ne veut que ça, en résumé.

Mais en face, que veut le gouvernement en retour, mille fois la question reste posée. Lors du grand dialogue national du 30 septembre au 4 août 2019, une commission avait été mise sur pied qui devait travailler sur le rôle de la diaspora dans la crise et contribution de celle-ci au développement du Cameroun. Elle a fait 5 recommandations à la fin des travaux, des mesures qui devaient être prises dans l’urgence pour capitaliser cette importante ressource humaine, qui produit d’aussi importantes ressources financières. Il s’agissait pour cette commission de : « Réformer le Code de la nationalité pour l’adoption de la double nationalité ou des nationalités multiples, adopter le principe de la représentation de la diaspora aux niveaux parlementaire et gouvernemental en créant un ministère dédié à la diaspora, créer un haut Conseil de la diaspora dans les pays d’accueil avec des dirigeants élus, la qualité de membre étant conditionnée par la possession d’une carte consulaire, désigner une équipe chargée de prendre langue avec les membres radicalisés de notre diaspora et enfin créer une agence transnationale d’investissement et de développement pour la diaspora. »
Et comment les convaincre, sinon en améliorant la gouvernance dans l’ensemble, en instaurant un climat de confiance avec une administration moins corrompue, une justice saine, en reformatant le cerveau fonctionnaire pour qu’il ne voit plus en un membre de la diaspora une vache à lait qu’il faut traire à souhait avec l’expression « ou est ma part »,
Blocage
Ces résolutions dorment toujours dans les tiroirs du Premier ministère, la cinquième année entamée depuis la clôture des travaux du grand dialogue. L’adoption de la double nationalité reste une idée, la création d’une agence transnationale d’investissement et de développement pour la diaspora reste une chimère. Pourtant le besoin est là, le pays a besoin d’argent pour le développement, et la diaspora a de l’argent qu’elle veut investir au pays. Sur le continent africain en général, selon la Commission économique pour l’Afrique, les transferts des migrants vers le continent ont atteint 41 milliards de dollars en 2021, soit 24 mille 600 milliards de franc cfa qui représentent plus du double de l’aide publique au développement accordé à l’Afrique. Ramené au Cameroun, on a le même schéma. Et si l’on créait cette agence transnationale d’investissement, qui permettrait à la diaspora de canaliser les fonds en direction du pays, lesquels fonds trouveraient sur place un climat des affaires assaini, cela permettrait sans doute de ne plus tendre la main au Fonds monétaire international pour des prêts asphyxiants. Dans un rapport de la banque mondiale datant de 2011, Dilip Ratha et Sonia Plaza écrivaient : « Si l’on pouvait convaincre un membre de la diaspora sur dix d’investir 1 000 dollars dans son pays d’origine, l’Afrique collecterait ainsi 3 milliards de dollars par an pour financer le développement. » La condition est là, convaincre les membres de la diaspora. Et comment les convaincre, sinon en améliorant la gouvernance dans l’ensemble, en instaurant un climat de confiance avec une administration moins corrompue, une justice saine, en reformatant le cerveau fonctionnaire pour qu’il ne voit plus en un membre de la diaspora une vache à lait qu’il faut traire à souhait avec l’expression « ou est ma part », mais un investisseur qu’il faut encadrer et encourager, pour qu’il créée de la richesse indispensable aux familles, et à la nation. En attendant, la diaspora camerounaise reste un capital sous exploité, à cause essentiellement des égoïsmes individuels des fonctionnaires et membres du gouvernement en panne de vision qui ne voient pas souvent plus loin que le bout de leur nez ou le bas de leurs ventres
Roland TSAPI
Après des T*intin vont s’asseoir sur les RS pour sortir leur ve*nin sur la diaspora. Qu’ils viennent commenter cette chronique au lieu de se plaindre du boycotte d’un artiste.