Assassinat de Martinez Zogo : le silence politique et civil

Au Mrc de Maurice Kamto, la mort de Martinez Zogo n’a pas mérité une marche blanche, même pas l’intention n’a été exprimée, quitte à ce que la police vienne à domicile interpeller ceux qui avaient cette intention. Au Sdf, le Chairman Ni John Fru Ndi est occupé à faire la purge au sein de son parti pour se débarrasser des cadres qui ne pensent pas comme lui et sécuriser son pouvoir, quitte à le léguer à qui il veut. Les autres partis politiques ont depuis longtemps aménagé leurs places au sein du pouvoir ou à côté, et entendent rester politiquement corrects. Dans la société civile, on pense déjà au projet à écrire pour la protection des journalistes et demander à des partenaires le financement, qui pourra toujours servir à quelques séminaires de renforcement des incapacités. Ailleurs un jeune s’est lui-même mis le feu dessus et le peuple n’a pas supporté que la misère entretenue par le pouvoir l’ait conduit à cet acte, au Cameroun un citoyen a été sauvagement détruit, mais les leaders des partis politiques, de la société civile et des syndicats cherchent plutôt à y tirer des dividendes, tout en mettant en application cette sagesse en vogue dans une jungle, selon laquelle « qui veut vivre longtemps vit cachée »

Partis : la dérive autoritaire au Sdf

Dans ce discours, le chairman fixait le cap de la démocratie dont l’un des piliers centraux est la liberté d’opinion. De 1990 à 2023, beaucoup d’eau a coulé sous le pont, les mêmes mots n’ont plus les mêmes sens, les réalités ont remodelé la pensée, les attitudes ont changé, les pratiques ont muté. Cela s’explique simplement par le fait que la lutte érode, fatigue, use et épuise. C’est pourquoi à certaines positions il est recommandé de passer la main à un moment donné, au risque de reprendre le chemin inverse. Ce retour en arrière, ces contradictions paraissent souvent naturels, sans que les concernés ne s’en rendent compte, car comme le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument. L’alternance n’est pas un vain mot, elle contribue au moins à éviter les dérives autoritaires, que ce soit à la tête d’un parti politique, d’une entreprise publique, d’une institution, ou au sommet d’un Etat.

Assassinat de Martinez Zogo : le coupable comme un serpent de mer

Dans tous les cas de figure, les faits et les lois sont immuables. Les faits c’est qu’un humain a été enlevé et odieusement torturé, assassiné et son corps abandonné sur un terrain désert. Aucun doute n’est permis là-dessus parce que le corps a été retrouvé et formellement identifié par la famille. Il est également établi qu’il ne s’agit pas d’un suicide, Martinez Zogo a bien été assassiné par un tiers. A côté de ces faits, il y a la loi qui interdit à quiconque de se rendre justice, de donner la mort, de profaner un corps et surtout qui consacre la formule selon laquelle « nul n’est au-dessus de la loi », dans un Etat de droit. Les réseaux sociaux, les médias étrangers ou nationaux, les communiqués et contre communiqués, sont tous des éléments qui gravitent autour du point central, mais qui ne sauraient être des éléments de diversion ou de distraction. Dans un Etat de droit justice doit être rendue, c’est-à-dire que le cerveau du crime doit être trouvé et punis comme tel, qu’il soit Pierre ou Paul, les deux servant d’ailleurs la même cause, selon les évangiles.

Figure : Ateba Eyene et le club éthique

Malgré des fortes rumeurs selon lesquelles ces symptômes avaient été provoqués par des substances qu’une main noire lui aurait fait ingurgiter, le gouvernement n’a jamais jugé bon de les dissiper en clarifiant les choses. 9 ans après, les causes réelles de sa mort font encore l’objet des supputations, et l’opinion fait vite le lien entre le combat pour une société juste qu’il menait, et cette mort, surtout que 4 ans avant sa mort, l’un des ouvrages les plus révélateurs qu’i a laissé est intitulé « Le Cameroun sous la dictature des Loges, des sectes, du magico-anal et des réseaux mafieux : de véritables freins contre l’émergence en 2035 : la logique au Cameroun de la performance » publié en 2012. Le titre à lui seul en dit long, et traduisait surtout le courage de l’homme que rien n’arrêtait quand il fallait défendre les causes juste. Le rappel à la mémoire de sa vie et de ses œuvres dans un contexte secoué par le lâche assassinat de Martinez Zogo, est pour dire que son cri pour une société de justice est plus que d’actualité, et ce rappel va surtout en direction de la jeunesse en laquelle Ateba Eyene croyait, seule en mesure de prendre son destin en main, se défaire d’une génération de gouvernants dépassés et en déphasage, pour fonder une autre société, celle de l’espoir, assise sur l’éthique que le fils de Bikoka prônait à travers son club Ethique.

Assassinat de Martinez Zogo : le silence gouvernemental

A qui profite ce cafouillage informationnel ? Pourquoi ni le ministre de la communication, ni le Secrétaire général de la présidence de la république ne s’avancent plus sur le sujet en faisant le up to date pour la bonne information du public ? Les experts en droit ont expliqué qu’en créant une commission mixte gendarmerie/police, l’enquête s’était déplacée du terrain judiciaire pour devenir administrative. Privant ainsi un éventuel procureur de la possibilité de faire le point au jour le jour comme cela se passe ailleurs, pour donner la primeur au patron de l’administration. Et sauf erreur d’interprétation, le patron de l’administration camerounaise, celui qui coordonne l’action gouvernementale est le Premier ministre chef du gouvernement, à qui s’adresse légitimement la question : quelle est la version officielle ? Continuer à se taire c’est donner raison au courant d’opinion qui pense que le gouvernement essaie de gagner du temps pour laisser passer les passions…et noyer l’affaire.

Assassinat de Martinez Zogo : l’erreur

Dans l’histoire de David et Goliath, David pris en main son bâton, choisit dans le torrent cinq pierres polies et les mit dans sa gibecière de berger et dans sa poche. Puis, sa fronde à la main, il s’avança contre le Philistin. Le Philistin regarda et lorsqu’il aperçut David, il le méprisa, ne voyant en lui qu’un enfant blond et d’une belle figure. Zogo Martinez n’avait que son micro et ses papiers, et les puissants ne voyaient en lui qu’un petit homme avec une grosse touffe de cheveux, ils étaient loin d’imaginer que son cadavre serait comme cette pierre qui frappe au front de Goliath et cause sa chute. C’est pourquoi ils ont commis l’erreur de ne pas le faire disparaître, ils ne savent pas pourquoi ils ne l’ont pas fait disparaître, ils le regrettent sans doute en silence, mais c’était dit et fait ainsi, car toute chose a une fin, et le déclic vient souvent de là où on s’attend le moins. Les bourreaux de Martinez Zogo, du haut de leur puissance, n’avaient pas imaginé qu’un corps mutilé et jeté sur un terrain vague ferait autant de bruit, ferait perdre le sommeil à tant de monde. Sa majesté Sokoudjou Jean Rameau dit qu’il y a des viandes qui sont amères dans la bouche. C’est ainsi, et tous les adeptes des pratiques obscures devraient le savoir, qu’on finit toujours par commettre pas une erreur, mais l’erreur…

Assassinat de Martinez Zogo : l’argent du sang

Il n’est pas exclu que ces attitudes tendant à discréditer l’enquête en cours et à disculper les suspects, aient un prix. On n’est pas loin de faire croire que les auteurs de ce crime ne sont pas des Camerounais et qu’il faudrait aller les chercher à l’extérieur du pays. Mais l’histoire est têtue, la nature est fidèle. S’il y en a qui prennent l’argent du sang, libre à eux, il faut bien vivre. Mais chacun devrait fermer les yeux et visualiser son fils, sa femme, sa mère, son père, son frère, son ami cher subir les atrocités que Martinez Zogo a subies, puis s’imaginer en train de prendre de l’argent pour se taire ou désinformer. Comme l’argent ne se mange pas en billet, il va bien acheter du pain pour son enfant, mais qu’il se dise bien que l’enfant en mangeant ce pain serait en train de boire du sang. Cet argent utilisé à n’importe quoi, contaminerai cette chose de sang. Voiture, bière, maison, tout ne sera que sang. Dans l’histoire de Judas Iscariote, il a eu un dernier sursaut de conscience et est revenu remettre l’argent que personne n’a voulu reprendre, mais dans le cas d’espèce, il y en a qui serait en train de faire pire que Judas. Au lieu de remettre, ils en prennent même après que le sang soit versé.

Figure : Joseph Mbassi, l’autre meurtre enterré

« Dans toutes les sociétés où règne l’impunité, on cherche par tous les moyens à provoquer l’amnésie collective. Il est important, par conséquent, de comprendre pourquoi impunité et musellement de la mémoire vont de pair et quelles conséquences cela implique-il pour la société. Au-delà de la quête élémentaire de justice de la part des victimes, la première obligation est d’empêcher par tous les moyens que l’histoire ne se répète. Que les leçons apprises dans une souffrance incommensurable se transforment en bénéfice non seulement pour ceux qui luttent pour cicatriser les blessures, mais aussi pour les nouvelles générations. Le premier impératif pour y parvenir est de connaître en détail et dans toute son ampleur les conséquences de la catastrophe vécue. Mais se rappeler le passé pour en tirer de véritables enseignements suppose que l’on puisse en avoir une connaissance exacte. Ce n’est jamais le cas pendant une période de dictature : la société toute entière a été soumise à la désinformation la plus totale, à l’isolement, à l’incommunication et à la peur. Ce sont des années de chape de plomb, où la population a été emprisonnée dans le silence, s’évertuant à développer des mécanismes de survie. » Dire la vérité et toute la vérité sur les crimes, humains ou financiers, est dès lors une thérapie pour les populations, qui se sentent soulagées, en plus d’être le meilleur moyen de rendre hommage aux victimes, que ce soit l’Abbé Mbassi, ou Martinez Zogo

Jeunesse et amour : en contre sens au Cameroun

Pour que les jeunes s’intéressent à l’agriculture, il faut qu’ils aient accès au foncier, et depuis que les experts critiquent la loi foncière existante en demandant qu’elle soit revue pour faciliter l’acquisition des terres, la réponse du gouvernement a été d’augmenter les taxes sur les transactions foncières dès 2023. Les jeunes ne tarissent pas de génie dans la fabrication des produits artisanaux, mais pour quel marché ? Ils sont en mesure de fabriquer des meubles de très grande qualité esthétique avec du bambou ou du bois, mais le mobilier de bureau des administrations est renouvelé chaque année par des meubles sortis des conteneurs. Comment vont-ils développer l’économie numérique quand l’électricité est rationnée, quand la société nationale Camtel est incapable de fournir une connexion internet en qualité, en quantité et au meilleur prix et se fait même battre sur le marché par les opérateurs privés qui sont pourtant ses clients ? Un vieux d’un âge avancé, malgré sa sagesse et son expérience, peut-il vraiment comprendre et résoudre les problèmes d’un jeune de 25 ans, dans un monde qui court de tous les côtés ? Trop de questions qui poussent à implorer la classe dirigeante vieillissante, à faire preuve d’un peu d’amour du 14 février, à l’endroit de la jeunesse du 11 février, ne serait-ce qu’à l’occasion du partage du gâteau du 13 février

Pouvoir : Paul Biya et les 90 ans

A 90 ans il sait qu’il a tout donné pendant 41 ans de pouvoir, et n’a plus de miracle à faire. Il souhaite qu’on lui soit reconnaissant pour ce qui a été bien fait, ou qu’on le pardonne pour ce qui ne l’a pas été. Sauf que quand il jette un coup d’œil dans le pays, il a peur de ce qui va se passer derrière lui, il a peur de constater que le pays est devenu un no mans land où les uns et les autres s’entretuent pour des prébendes, où l’industrie du crime est bien installé, un pays où l’unité de détournement est le milliard, un pays où on n’est même pas capable de lui offrir un stade en son nom, malgré des centaines de milliards engloutis. Demander à un président de la république à 90 ans de se représenter à l’élection présidentielle est loin d’être de l’amour, c’est à la limite de la méchanceté, c’est comme demander à son père de 90 ans de continuer à aller couper les arbres dans le champ ou de continuer à monter sur le palmier, alors qu’il a élevé des enfants qui peuvent prendre la relève. Mais le président Biya du haut de ses 90 ans n’est pas idiot, s’il ferme souvent les yeux cela ne veut pas dire qu’il ne voit pas, car comme dit l’adage, un vieux assis voit plus loin qu’un jeune debout.