Pour le premier ministre Malien, la France ne devrait pas oublier que l’Afrique ne lui doit rien, mais se rappeler qu’au contraire, elle doit tout à l’Afrique : « Afin de se donner une bonne conscience, la junte française accuse le Mali de n’avoir pas été reconnaissant, en se gargarisant de la mort regrettable de 59 soldats français au Mali, lors de diverses opérations de lutte contre le terrorisme. …Aussi, nous les invitons à ne pas s’arrêter en si bon chemin et de remonter le temps, en passant par leur intervention en Libye décriée par toute l’Afrique, sans oublier la participation forcée des milliers d’Africains à la 1ère et la seconde guerre mondiale, sans oublier la traite négrière qui explique l’essor économique de beaucoup de pays. Combien d’Africains sont-ils morts pour la France et le monde libre dans lequel nous sommes ? » C’était Um Nyobé en 1952, c’est Abdoulaye Maïga en 2022, à la tribune de l’Onu. Les indépendances réclamées en 1952 ont été noyées avec la complicité des frères africains qui ont accepté d’être les nègres de service. Y en aurait-il encore pour noyer l’indépendance réclamée en 2022. A la jeunesse de se questionner !
Dans deux lettres de mission confidentielles signées de sa main en date du 16 septembre 2007, Ahmadou Ali avait confié à un « expert en intelligence économique » camerounais, Francis Dooh Collins, le soin de mener des enquêtes sur la fortune cachée de ses compatriotes – voire de ses collègues du gouvernement. A ces lettres de mission étaient jointes une liste d’une soixantaine de personnalités en deux versions, anglais et français, rendues publiques en janvier 2008 par les quotidiens Le Messager et La Nouvelle Expression. L’affaire fut d’ailleurs reprise par Jeune Afrique dans son édition du 25 février 2008 à travers un article intitulé « Ali et les soixante voleurs », sous la plume de François Soudan avec Georges Dougueli. Figuraient dans cette liste des banquiers, des directeurs généraux, douze anciens ministres, deux conseillers à la présidence, six ministres en exercice (dont ceux de la Défense, de l’Administration territoriale et le secrétaire général de la présidence, le patron de la Sûreté nationale et même le président de l’Assemblée nationale. Tous « suspectés de détournement, de corruption et de blanchiment » au détriment de l’État camerounais.
Où donc se trouverait la solution à l’obtention de la carte nationale d’identité au Cameroun ? Pourquoi est-ce si difficile de produire un document ainsi décrit dans le décret : « la carte nationale d’identité est un document en polycarbonate plastifié et sécurisé, établi sur fond pré-imprimé selon la norme Iso/Cei 7810 sous le format ID-1. Elle est informatisée, biométrique, personnelle et contient une puce électronique » ? Et alors qu’il est si difficile de produire une petite carte qui peut se cacher dans la paume d’une main, les mêmes services de la délégation générale à la sûreté nationale sont en mesure de produire un passeport de 32 pages en 48 heures. Finalement, la production de la carte nationale d’identité, est-ce un problème de moyens ou de volonté ? Quelle que soit la réponse, un fait reste constant dans cette affaire, c’est qu’un décret du président de la république souffre de la non application stricte de ses termes par la délégation générale à la sûreté nationale, qui ironie du sort, est directement rattachée à la présidence de la république
Si la pratique était applicable avec une certaine équité aux parents, la jeune génération est-elle encore concernée, du simple fait que leurs parents sont originaires des zones sous scolarisées ? Et que devient le vivre ensemble, si deux camarades d’enfance se retrouvent séparés à l’entrée d’une école, et sont clairement informés que cette séparation est le fait qu’ils sont originaires des localités différentes du même pays ? En définitive, si les précurseurs de la pratique de l’équilibre régionale dans les concours administratifs l’inscrivaient dans un processus de construction nationale, il s’est avéré avec le temps être un élément de déconstruction de la nation, avec le brassage social devenu incontournable. À l’heure où le vivre ensemble est devenu un slogan, n’est-il pas souhaitable de dépouiller les textes des vestiges de divisions car à tout point de vue, l’équilibre régional a aujourd’hui transcendé les générations.
Les régimes sont ainsi bâtis en Afrique en général, au Cameroun en particulier. L’Etat et ceux qui l’incarnent sont suprêmes, les peuples qui font la Nation subissent. Ainsi occupés à se défendre, chaque peuple de son côté, l’idéal commun qui fait une Nation n’a plus de place. Les replis identitaires prennent le pas, les associations communautaires foisonnent. Et l’Etat, au lieu de trouver un idéal commun qui fragilisera ces replis en faveur de la construction d’une nation, cherche plutôt le moyen de s’en servir. L’Afrique Noir est mal partie, disait Franz Fanon, on pourrait ainsi de la construction d’une Nation sur le territoire camerounais, qui n’est pas mal partie, mais qui n’est même pas encore en chantier. Les Camerounais, au mieux, s’identifient chacun par leurs cultures locales. Les discours politiques vantent la diversité de la culture camerounaise présentée comme une richesse, mais un véritable symbole de la nation reste invisible. La raison est qu’à ce jour, les dirigeants camerounais n’ont réussi qu’à maintenir des peuples diverses sur un territoire, dont le seul dénominateur commun est la détention d’une carte d’identité sur laquelle est marquée République du Cameroun.
A peine un an au Kamerunstadt, Gustav Nachtigal avait réussi à sécuriser le territoire pour le compte de l’Allemagne, non sans violence et victimes bien sûr, mais les écrits restent floues ou muettes sur les méthodes initiées et qui furent perpétuées pour soumettre les populations locales à l’indigénat. Tombé malade, on décide de le ramener chez lui en Allemagne, mais il meurt le 20 avril 1885, à l’âge de 51 ans au large du cap Palmas au Liberia. Pour ne pas jeter son corps en mer comme ce fut le cas pour des milliers de Noirs esclaves, il est ramené à Douala où il est enterré. Le Cameroun garde encore des souvenirs de lui, comme le monument Nachtigal dressé dans la ville de Douala au quartier Bonanjo, ou le village Nachtigal, dans la région du Centre, éponyme du fleuve Nachtigal sur lequel se développe depuis 2016 un projet de barrage hydroélectrique. Un privilège de mémoire donné une fois de plus aux colonisateurs, là où les héros nationaux sont maintenus dans l’ombre
On ne sait plus qui est qui, c’est la confusion totale. Les civils sont confondus au sécessionnistes et liquidés comme tels, les fonctionnaires sont confondus à l’ennemi, les hommes de Dieu sont pris pour des espions et traités comme tel, avec enlèvements et demandes de rançon. Les uns se battent comme ils peuvent pour sortir de là, d’autres cherchent à tirer le meilleur profit de la situation. Pillages, détournements, incendies des villages et des infrastructures, torture et tout autre traitement inhumain, tout y passe, c’est la jungle, le no mans’ land. Le seau est également devenu plus lourd à porter et demande plus d’énergie en termes de finance et de ressources humaines. Tous ces actes, aussi condamnables les uns que les autres, puisent leurs sources quelque part et prospèrent dans un environnement qui leur est propice. Le tapioca qui a gonflé a aussi touché d’autres contenu du seau et les a rendu inopérant, comme l’éducation, la santé, l’économie. L’eau n’a touché le panier que depuis 6 ans, mais la crise existe depuis 61 ans, et l’attaque suivi de l’enlèvement des prêtres à Nchang n’est là que pour rappeler que le problème reste entier : tant que les racines d’un arbre ne seront pas saines, les feuilles resteront souillées.
Il y a des Cetic, des lycées techniques et d’enseignement général sans électricité dans les zones où ces élites se présentent en messie. Tout cela découlant de la mauvaise gouvernance entretenue au sommet et au sein des différentes instances institutionnelles par le système auquel toutes ces élites appartiennent. Le financement de la construction d’une ligne électrique pour un lycée technique, suivi par des machines pour les ateliers par exemple, seraient plus bénéfique pour les enfants. Une bonne qualité de l’éducation garantirait une formation qui permettrait à la jeunesse d’être autonome, indépendant et libre, et cette qualité de l’éducation se défend à l’Assemblée nationale, au sénat, dans les conseils régionaux et municipaux, et c’est dans ces instances que les élites devraient intervenir pour être utiles. La culture des dons contribuent plus à asservir la jeunesse, qu’à la servir.
S’agissant de la conscience des juges, le 17 septembre 2022 en Belgique, 55 magistrats volontaires ont été placés en détention pendant deux jours dans une prison de la région de Bruxelles. Ces magistrats, du parquet et du siège, à qui rien n’était reproché, devaient suivre les ordres et les instructions du personnel pénitentiaire exactement comme les autres détenus, le but étant d’expérimenter ce que signifie la privation de liberté. Selon le ministre de la justice belge Vincent Van Quickenborne, « les magistrats savent évidemment comment se passent les choses dans une prison, mais en faire l’expérience par eux-mêmes leur donne une occasion unique qui pourra les aider à prononcer des peines en toute connaissance de cause.» Ce n’est pas que les condamnations prononcées par les magistrats belges sont souvent sujettes à caution comme celles connues sous le ciel camerounais, mais l’idée était d’améliorer ce qui n’est pas déjà mauvais. Et si au Cameroun les magistrats étaient aussi placés pendant deux jours d’expérimentation dans les prisons infectes de New-Bell et de Kondengui, l’expérimentation pourra peut-être porter des fruits ! A moins que faire des prisonniers politiques… ne soit consubstantiel au régime.
Et si Jacques Chirac avait raison de dire que l’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie, est-on tenté de se demander. Devant le congrès à Brazzaville en 1996, il rappelait : « la démocratie, c’est un état d’esprit, ce sont des comportements, des réflexes. C’est le fruit d’un long apprentissage, celui de l’intérêt général, de la tolérance, de l’acceptation des différences. C’est le seul moyen d’être libre et le remède le plus honnête que l’on puisse opposer aux maux de la société. La démocratie exige le rejet de la solution trop facile, de la loi du plus fort et du recours à la violence. Elle dépasse les divisions et les haines. Elle désarme la peur. La démocratie, c’est un Etat respectueux de chacun, juste, équitable, désintéressé, capable de susciter l’adhésion, de mobiliser les énergies. C’est l’acceptation de règles transparentes et rigoureuses d’administration et de gestion, en un mot la “bonne gouvernance” » Au Cameroun, le pouvoir peut-il jurer la main sur le cœur qu’il y a acceptation des différences, quand les manifestations publiques des partis de l’opposition sont systématiquement interdites et violemment réprimées en cas d’entêtement ? En lieu et place de l’alternance, on a fait de la démocratie au Cameroun la capacité à durer au pouvoir à tout prix, et quand il le faut, à tous les prix.