Les propos de Macron, jugés irrévérencieux par certains mais tolérés par le pouvoir sont dès lors compréhensibles. Yaoundé veut rester prudent, mais tout porte à croire que le pouvoir en place incarné par Paul Biya ne rentre plus dans les calculs de l’Elysée. Sauf que Paris tient en même temps à ses intérêts et aux accords secrets. S’il désavoue donc Paul Biya, c’est qu’il s’est déjà assuré de celui qui va le remplacer et poursuivre l’œuvre, celle de garantir ses intérêts. Qui est-ce, on ne saurait le dire pour l’instant, toujours est- il que les camerounais devraient rester prudents, car la France est bien capable de déshabiller Paul… pour habiller Pierre.
Aujourd’hui sa statut trône au centre-ville d’Ebolowa, presque dans l’anonymat, des milliers de personnes passent chaque jour à côté sans même oser y lever les yeux, ignorant ce qu’il représente, parce que le devoir de mémoire a été négligé, son combat a été oublié, au point où plus de 100 ans après, l’expression de la liberté peut être éhontement bafouée à quelques mètres de là, dans une ville d’Ebolowa qui devrait aujourd’hui être une véritable ville de liberté, en mémoire de ce fils du terroir qui a courageusement affronté la mort en pensant à la prochaine génération.
Le même gouvernement clame pourtant une certaine souveraineté qui caractérise le Cameroun. Une souveraineté qui semble ne pas concerner les populations. Pourtant dans une démocratie, c’est le peuple qui exerce la souveraineté même sur les gouvernants, ce ne sont pas les gouvernants qui exercent la souveraineté sur le peuple. C’est le peuple qui choisit les gouvernants et non le contraire, et les gouvernants ne peuvent pas reconnaitre en ce peuple une capacité de choisir seulement au moment de solliciter leur votes, et une fois élus ou proclamés tels, ils retirent à ce même peuple cette capacité de dire leur mécontentement, et attribuent leurs revendications à des mains extérieures.
Au lieu d’envoyer des enfants devant l’ambassade de France et multiplier des communiqués, les Camerounais, qui sont fiers d’eux-mêmes, se seraient attendus à ce que Yaoundé convoque l’ambassadeur de France au Cameroun dès lundi matin au ministère des Relations extérieures ou à la Présidence de la république, pour lui signifier le mécontentement de toute la nation. Voilà des actes de souveraineté, que posent des Etats souverains. L’écrivain nigérian disait : « le tigre ne proclame pas sa tigritude, il attrape sa proie et la mange. » A plus forte raison un lion…
Tout laisse ainsi croire que des mesures de libération prises jusqu’ici n’étaient pas dictées par une volonté réelle de décrisper l’atmosphère, mais étaient plutôt des « sollicitations émanant d’amis anciens et sûrs ». Il est donc logique qu’elles ne soient pas souvent cohérentes. Vivement que les gouvernants fassent montre de la souveraineté qu’ils réclament à cor et à cri, et trouvent des solutions camerounaises aux problèmes camerounais, et non plus des réponses venues d’ailleurs, que ce soit en cédant à la pression d’un maître, ou en accédant « aux sollicitations émanant d’amis anciens et sûrs.»
Individualiste, égoïste, hostile envers l’humanité, voilà ce qui décrit bien cette population qui regarde sans rien faire les souffrances des autres, même pas s’émouvoir un instant. Le drame de Ngarbuh est venu rappeler pourtant que le danger plane toujours au-dessus de tous, et il serait illusoire de penser que ça se passe ailleurs, que l’on est bien éloigné de cela. Quand le feu brûle chez le voisin il est sage de l’aider à éteindre, car le vent peut emporter la flamme chez soi. Il est désormais urgent pour chaque Camerounais de se poser la question de savoir ce qu’il a fait de concret, ne serait-ce que pour marquer sa désapprobation par rapport cette guerre horrible, sinon il rentre dans la catégorie d’égoïste que décrivait le philosophe.
Mais quand il tire sa révérence en juin 1988, il est évident qu’il s’en va avec un goût d’insatisfaction, en murmurant sans doute ces mots, si mon peuple m’avait compris. L’écho de ces regrets sonne encore aujourd’hui, avec les morts qui se multiplient à cause de cette affaire de réunification, qu’il avait pourtant refusée en son temps.
Et si une guerre ne profite ni à l’Etat ni au peuple populations, et décime plutôt des populations, civiles ou militaires, pourquoi ne pas l’arrêter. L’histoire nous renseigne qu’il y a toujours les moyens d’arrêter une guerre, à condition de le vouloir. Le Gouvernement devrait comprendre qu’il n’y a jamais de gagnants dans une guerre, comprendre surtout qu’un pays ne gagne pas une guerre contre son peuple, et qu’il y a des situations dans la vie où comme dit le proverbe, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès.
En tout état de cause, il convient simplement de rappeler que suivant les dispositions de l’article 3 du décret sus évoqué « (1) Le gouverneur et le préfet sont dans la région et le département, respectivement, représentants du président de la République, du gouvernement et de chacun des ministres. (2) Le sous-préfet est dans l’arrondissement, le représentant du gouvernement et de chacun des ministres. » Il est important que ces autorités administratives gardent bien cela à l’esprit, et se disent bien chaque fois qu’ils posent un acte, que c’est le président de la République qui est en train d’agir ainsi.
Comme un député qui restera impuissant dans une Assemblée dominée par le Rdpc, le maire, doté d’aussi bonnes intentions que l’on puisse imaginer restera impuissant devant l’administration, à l’état actuel des lois. Comme quoi, le poste de député ou maire dans ces conditions ne permettra qu’à quelques individus d’améliorer leurs trains de vie, quant aux populations sur lesquelles ils se sont appuyés pour y arriver, il est simplement temps de se rappeler la maxime selon laquelle en politique, les promesses n’engagent que ceux…qui y croient.